vendredi 20 juin 2014

[COMMENT RENDRE L'AFRIQUE RICHE]




C'est une question qui m'intéresse depuis longtemps et à laquelle je tente d'apporter des réponses au gré de mes lectures. En ce moment, je lis "Le Prix de l'Inégalité" de Joseph Stiglitz, livre très intéressant que je recommande à chacun de lire. Que vous soyez anti-capitaliste ou pas, je crois que c'est important de le lire. La critique du capitalisme est légitime mais elle ne doit pas être fondée sur une posture doctrinale selon moi mais bien sur une étude précise, une lecture claire de la situation. 

Malheureusement jusqu'à présent, je ne vois pas ces propositions concrètes au niveau économique autre que les poncifs habituels : "Le capitalisme, c'est le truc des européens, il faut le rejeter sinon vous êtes aliénés, vous êtes un blanc à peau noire". Remarquez d'ailleurs que beaucoup de ceux (pas tous) qui disent ça se réclament du socialisme africain (le socialisme n'est pas non plus africain, mais comme il renvoie à l'imaginaire de l'économie collective africaine pré-coloniale, la pilule passe beaucoup mieux). Je suis d'ailleurs certain qu'on viendra m'accuser d'être un "aliéné" à peau noire. Ca ne manque jamais.

Bref, je suis pour le gouvernement du bon sens et des bonnes idées, d'où qu'elles viennent. J'ai souvent des questions que je pose à ceux qui se disent panafricains et militants en tant que tels, je n'insulte bien évidemment personne, mais je crois que lorsqu'on se réclame d'une idéologie politique comme le panafricanisme, au même titre, que le néolibéralisme ou encore le communisme, il faut pouvoir travailler suffisamment pour apporter les éléments de réponse à apporter sur tous les plans y compris le plan économique.

Mes questions :

- Sur quelles bases économiques l'Afrique doit -elle avancer ?

- Si vous étiez au pouvoir aux prochaines élections, quelles mesures vous prendriez pour lancer le redressement économique du pays ?

- Quel est le projet de long terme ? Le poncif du Super Etat panafricain à l'échelle du continent est toujours ressorti généralement, comment on gouverne un monstre pareil avec 2000 langues environ, des habitudes culturelles différentes et des nationalismes déjà bien ancrés ? La Chine a du mal, (seuls 300 millions de chinois sont sortis de la pauvreté et la croissance est déjà en train de ralentir, il en reste encore 1 Milliards à sortir de là), l'Inde galère à réussir la redistribution de la croissance et ce sont des Etats Nations comment faire pour un continent avec des situations aussi inégales ? L'UE est en train de convulser mais par le miracle de la fameuse "solidarité entre noirs", ca va marcher... oui bien sûr... et si Cheikh Anta Diop a écrit les bases de l'état panafricain, il faut le faire, parce que Cheikh Anta Diop l'a dit.

- Quelles lois pour gouverner les 2 milliards d'Africain en 2050 ensemble dans le super état panafricain ? On fait quoi des peuples nomades par exemple, les masais, les peuls du Nord ?

Tellement de questions auxquelles personne n'est capable de répondre définitivement. Bien évidemment, on me renverra à une obscure commission de l'Union Africaine qui discute du sujet dans une institution où les langues officielles sont anglais, arabe, espagnol, français, portugais, swahili. 5 sur 6 sont non africaines. Pourtant, on m'assure que le panafricanisme est au devant de grandes victoires.

Si l'on veut sortir l'Afrique de la pauvreté, il faut se poser les vraies questions selon moi :

- Quels sont les facteurs de la pauvreté ?
- Quels sont les solutions à y apporter ?

Constat 1 : les pays africains ne sont pas pauvres en soi mais la distribution de la richesse est très inégalitaire. Pourquoi ? Des individus ou groupes d'intérêts s'attribuent ou se voient attribuer des rentes (pétrole, gaz, mines) et s'enrichissent. Le reste n'y a jamais accès. Comment c'est possible ? Par l'absence de transparence et de contrôle des institutions d'état.

Constat 2 : l'école n'est pas un garant de succès. Même dans les pays dits développés, ce n'est pas le cas et ça l'est de moins en moins. Les pauvres restent pauvres et s'appauvrissent. La classe moyenne a de moins en moins de chance d'accèder à la richesse et les possibilités d'ascension sont de plus en plus faibles.

Constat 3 : l'échec des politiques d'ajustement structurel à la sauce FMI. Ces politiques d'ajustement structurel sont un copié collé des idéaux néolibéraux américains qui s'appuie sur trois principes : l'Etat est un frein à l'économie, l'Etat doit réduire ses dépenses et laisser l'initiative privée gérer l'économie, l'offre et la demande (le marché) s'auto régule, la richesse d'un pays dépend de ses individus les plus talentueux, plus ils s'enrichissent, plus les autres le font aussi (cf théorie du ruissellement vers le bas). Résultat : les Etats Africains qui ont emprunté au FMI et à la Banque Mondiale ont tranché dans les budgets de l'éducation et de la santé sur le conseil des ces vautours, la suite, on la connait.

Que faire alors ?

1. Il faut réassurer les conditions de la concurrence libre et ça seul l'Etat peut le faire. La transparence totale dans la concurrence entre entreprises est fondamentale. Tuer le "lobbying" est également essentiel. Joseph Stiglitz l'a mentionné dans son livre "Le Prix de l'inégalité" comme un des problèmes majeurs aux réformes structurelles essentielles dans tous les pays y compris aux USA.

2. L'école dans les pays africains est devenu la voie à l'échec, parce que l'école vous apprends à accumuler de l'information, pas à l'utiliser à bon escient ou en contexte. Une statistique est essentielle ici : La proportion des étudiants qui estiment que les études primaires et universitaires donnent les armes aux étudiants pour créer leurs entreprises. La création d'entreprise est un chemin personnel mais le bagage intellectuel peut être intégré dans le cours des études. (Les business schools ne sont pas la panacée).

3. Faire exactement l'inverse de ce que le FMI et la Banque Mondiale préconisent. Dépenser dans la santé, l'alimentation et l'éducation sont les préalables à tout décollage économique. On n'y parviendra pas sans cela.

4. Les situations des pays sont inégales. Un Monstre démographique comme le Nigéria ( 180 millions d'habitants) ne se gère de la même façon que Madagascar, donc n'a pas les mêmes priorités.

5. A tous ces éléments, il faudra ajouter la défense nationale et la stabilité des institutions. Une autre question qui doit être débattue en profondeur tant l'échec de la démocratie "grecque" est patant partout en Afrique.

Qu'on le veuille ou pas, la réalité est la suivante : la mondialisation a créé une situation de concurrence globale entre les Etats. Pour que les pays africains ne soient plus la proie du capitalisme, il faut que ces pays soient suffisamment armés pour se défendre. Le capitalisme occidental provoque des guerres partout dans le monde pour ses intérêts, Si on peut changer les pays africains, changer les européens n'est pas possible ou même souhaitable. Mais il faut au moins pouvoir se protéger de leurs intentions prédatrices. Chine, Pakistan, Inde ont des armes nucléaires. Pourquoi pas nous ?


© Le Nouvel Africain

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