jeudi 4 décembre 2014

[IRENE MAJOR, MANNEQUIN : JE M'ECLAIRCIS ET J'ASSUME]

La camerounaise Irene major, est un mannequin qui a connu du succès dans le milieu de la mode. Elle était beaucoup appréciée pour sa peau foncée, qui lui avait des portes de beaucoup de défilés. Récemment invité, à un talk show, elle revient sur les raisons qui lui ont poussé à ce blanchiment soudain, que beaucoup regrette.

Cette interview est représentative de la mentalité qui prévaut sur beaucoup de sujets parmi les Africains. Irene Major nous fait part ici de ce qu'elle pense vis-à-vis de certains sujets et notamment le fait qu'elle considère son blanchiment de la peau comme un soin et une mode, plutôt qu'une altération de sa peau. Et ceci est problématique en soi.

L'accusation facile consiste toujours à dire : "Oh mais ce sont les hommes noirs qui font que les femmes se blanchissent la peau". Quand ce n'est pas la faute des hommes noirs, c'est la société occidentale. Or ici il apparaît que c'est loin d'être le cas. Sans nier le fait que certains hommes pratiquent la valorisation de la peau claire sur la peau foncée, il y a des réalités qu'on ne peut pas nier. Beaucoup de femmes considèrent que cela est beau. Irene Major a été Miss au Cameroun avec sa peau naturelle et a connu une carrière de mannequin accomplie bien avant de s'éclaircir la peau. Qui doit-on accuser dans ce cas alors ? surtout que son époux est anglais et qu'elle s'est éclaircie la peau alors qu'elle était déjà en couple avec lui, avec deux enfants.



Elle va également souligner d'autres points importants dans la vidéo. Elle ne se sent pas appartenir à une communauté quelconque, elle l'a dit elle même dans son interview, ce qui réponds clairement à un article que j'avais écrit il y a quelque mois intitulé "Tous les noirs ne sont pas mes frères" qui avait choqué pas mal de monde. Trop d'africains continuent d'imaginer à tort qu'il existe un sentiment naturel de fraternité entre deux personnes parce qu'elles ont une couleur de peau semblable liée à leur origine géographique. Or c'est faux. Avoir la peau noire ou marron, ne fait pas de vous mon frère. Loin  de là!!

Comme pour la question du défrisage des cheveux, la réponse d'Irène était la même que ce qu'on entends à chaque fois que la question est évoquée : "Non je ne veux pas être blanche, je veux juste changer de peau". Encore une fois, il ne s'agit pas de stigmatiser les filles qui se défrisent les cheveux mais bien de comprendre ceci : L'esprit humain est particulier en ceci qu'il est capable de trouver une justification à sa propre destruction et la rationnaliser. Le fait que le défrisage puisse être un risque grave pour la santé des femmes d'après des études ne les empêche pas de le faire et qui le pourrait d'ailleurs.




En effet tout cela dénote d'une réalité que beaucoup ignorent dans les communautés africaines : la rationalisation de comportements destructeurs. Il ne s'agit pas ici de stigmatiser les femmes qui pratiquent le blanchiment de la peau, mais bien de faire prendre conscience d'une réalité. Le blanchiment de la peau n'est pas un soin du corps ou une mode. Et nul besoin de lier cela à une question identitaire et revendicatrice, mais simplement à des questions de santé. Cela devrait être traité comme tel.




Découvrez ci dessous, l’interview d’Irene major.

Voici un panel des questions posées par les protagonistes:
- Vous avez grandi au Cameroun, c’est bien ça ?
Effectivement, je viens d’une famille très modeste, mais dans une famille « mixée »,
car ma mère a la peau claire et mon père a la peau très noire, il y a un « métissage » dans notre famille.
Lorsque vous regroupez tout ce monde, vous remarquez que la peau claire est plus belle que la peau noire.
Ceci a été un réel impact pour moi dans ma carrière, j’ai été miss cameroun, j’ai fait des défilés en angletterre pendant un moment quand j’avais 16 ans par exemple.
- Quand vous étiez enfant, quand avez vous remarqué que votre peau était plus noire que celles de vos soeurs ?
C’était à l’âge 6/7 ans, à cette âge là, tu connais déjà qu’elle est ton type de peau […]Et Les gens allaient souvent chez les filles à peau claire et disait « oh qu’elle est mignonne » et tu grandis avec ça et tu finis par te dire que la peau claire est plus belle et un véritable critère de beauté.
- Vous vous souvenez à quelle âge, vous vous êtes dit, je vais m’éclaircir la peau ?
c’était très récent, il y a 7 ou 8 ans, j’ai effectué un défilé ici et j’étais beaucoup plus foncée […] J’apprécie Naomi Campbell effectivement, les filles à la peau foncée sont très tendance dans le milieu, quand un mannequin est noire, elle a souvent la peau foncée.
J’ai été prise dans divers show uniquement pour ma peau foncée, je devais ressembler aux stéréotypes d’une fille noire dans ce milieu.
- Que répondez vous aux gens qui vous disent que vous essayez de devenir blanche ?
J’ai répondu encore hier à une personne, qui m’a posé la même question, je lui ai dit qu’en aucun aucun cas j’essayais de changer de race, mais pour moi le blanchiment de la peau ce n’est qu’un critère de beauté […]
- Vous avez connu énormément de succès en ayant la peau foncée, les saisons changent et les tendances aussi et vous pourrez sans doute pas revenir en arrière, ce n’est pas comme un manteau, non ?
Pas tout à fait vous pouvez aisément stopper le blanchiment, mais je ne suis pas encore à ce stade, je n’ai pas envie d’arrêter car les gens me le disent, c’est comme ça que j’aime me voir ainsi
Sources : http://m.newsshopper.co.uk/news/11507255.Greenhithe_woman_is_Simon_Cowell_s__idea_of_hell_/?ref=mac
http://www.trendy-newz.fr/irene-major-le-blanchiment-de-la-peau-nest-pas-synonyme-de-changement-de-race/

© Le Nouvel Africain

mercredi 3 décembre 2014

[JALOUSE]

Jalouse

Chapitre 1

Tout a commencé… En fait, non je ne sais pas vraiment comment tout a commencé…
J’n’ai pas connu l’Afrique, j’n’y suis même pas née. Comme Abd al Malik j’y ai passé un court séjour dans ma petite enfance… mais la comparaison avec cet artiste s’arrête là.

Moi depuis mes 11 ans, j’sais pas pourquoi, j’demande à mon père : «  On y va quand ? On va quand voir Kinshasa ».
Jamais on n’a pris l’avion.
Et chaque été, même paysage à Sartrouville. Même cousine , même prise de tête avec les Tantes, mais des souvenirs inoubliables.
J’me souviens , lorsque Noella , à nos 14 ans, s’est faite grillée flirtant avec un garçon du quartier ,  Tante Malu…  est restée silencieuse… calme, bien trop calme.
Pas de ceinture, pas de coup, pas de cri… Suspicion…
Et puis , la fin des vacances, je repars dans ma province Française , bientôt la rentrée , je quitte les cousines et Sartrouville.

Le soir du premier jour de cours, Noella m’appelle en larme. Sa mère lui a rasé les cheveux pour être sortie avec un mec, et aussi les sourcils en guise de supplément car le gars était un Sénégalais… Tante Malu n’aimait pas les Sénégalais.

Ils s’étaient juste embrassés, j’avais dit à ma mère, qui en soutient à Tante Malu a répondu «  à partir du moment où il y a un homme et une femme seuls dans une maison  avant le mariage, ils ne sont pas 2 mais 3 ; le diable est présent ! »
C’était Savana, Sunset beach et Dallas, la vie de mes oncles et tantes.



Discrète, j’ai jamais vraiment dit ce que je pensais, j’me demande même si je pensais.
J’étais juste là. Eglise, mariage, télé, copinage. Juste là, ni habitée de sentiments trop hauts, ni trop bas.

Mais ce jour-là, au lycée, j’sais pas ce qui m’est arrivé. On était dans la cours , pause du midi. Assis sur un rebord de muret, j’accompagnais mes « camer » fumer leur saloperie de cigarette.
Y’avait cette blonde devant nous, richissime, qui racontait comme elle était dans son ranch en Afrique. Elle expliquait que là-bas, elle faisait ce qu’elle y voulait, qu’elle pouvait entrer en boite sans être bien habillée, que tous les hommes n’avaient d’yeux que pour elle.

 Y’a un grand noir , planté devant elle, en baggy jeans et large t shirt rouge, il était métissé , un peu clair, yeux verts, j’ne sais plus … il lui a répondu : « Ouais mais les femmes Blanches nous attirent énormément, tu vois vous avez  les yeux de couleurs différentes, bleus, verts, brun clairs, ce n’est pas répétitif,  alors que voilà quoi … »

Sarah a toussé à côté de moi.
Il s’est rendu compte qu’il y avait une brochette de filles Noires à 8 m de lui. Le mec nous toise.
Tchiiiip.
En province française, y’a pas assez de Re-Noi dans les lycées, du moins  à mon époque, et dans cette ville, certains de nos « frères » n’avaient pas assez de menace sur leur tête à défaut d’avoir de la dignité.
Le jeune lycéen a continué… 
«  En plus vous avez de vrais et  beaux cheveux, avec les Renoi on est toujours surpris au pieu »

Estomaquées, on a à peine pu ouvrir nos bouches, pour tenter de répondre un truc à son missile, ne fut ce qu’une petite pierre comme les gazaoui envers israel…, qu’elle  nous regarde et nous lance, l’œil pétillant :

« Ah ouais les filles c’est vrai vous portez des rajouts…c’est comment déjà ? on vous a cousu ? »

C’est un peu trop loin pour que je me souvienne des détails, mais les filles autour de moi se sont mises à parler, parler, d’abord avec la Blonde, puis avec le jeune métis, puis un autre Blanc s’en est mêlé , rajoutant entre deux tafs de sa clope
«  Eh les filles, faites pas vos Malcolm x, vos pères sont médecins, vous vous êtes cru dans un film , on ne vous a pas fouetté ».

Là c’est encore monté, les filles se sont levées, Sarah a jeté sa cigarette en colère, s’est approchée du gars qui s’était incrusté, ils ont palabrés, elle levait les bras, tournait ses mains autour de la tête du gars, il lui a répondu 

«  Tu t’es cru dans le prince de bel air, une noire du ghetto , Latoya ? »

François, un lycéen communiste, a traversé l’entièreté de la cours, pour venir nous « défendre » , il avait sorti son écharpe Yasser Arafat, et portait son T-shirt Che Guevara. Partout où le peuple Noir souffrait il se devait d’être là… Depuis qu’il était parti planté des arbres au Burkina Faso et avait couché avec une fille de là-bas, il se sentait investi d’une mission à notre égard. ..
Yaza le métis comorien a cessé de rouler son joint, il  a sifflé pour que Mohammed vienne assister à la scène.

«  Il parle de pieu, mais ce Noir fragile il s’est tapé personne, tu parles tu parles, avec ta grosse bouche mais » …
Sarah était blessée, et elle jetait des petites pierres de gazaoui , hors sujet total par rapport au missile.

 Moi… j’disais rien. J’regardais la Blonde. Elle nous scrutait sans inhibition , avec un sourire au coin de la lèvre droite. Oui…c’était la droite. Elle tira sur sa Marlboro , et déposa son regard dans le mien.
C’n’était pas n’importe qui.
On avait eu quelques accrochages… Quand j’suis arrivée nouvelle dans ce patelin, j’étais l’attraction exotique du moment, ça fait bien une amie Noire en plus d’un ami gay.
On s’était prise la tête, pour une histoire de garçon , elle s’était tapée un mec en couple avec ma pote… allégeance amicale, j’l’ai jetée. Depuis, plus de contact.

Mais ce jour-là, il n’était pas question uniquement d’elle.
C’est l’ensemble du lycée que j’ai aperçu à travers son visage amusé.
 Elle était à l’aise en France, elle était à l’aise à Kinshasa.
J’étais immigrée en France, c’est vrai, scolarisée dans une bonne école, entourée de camarades fortunés, mes parents se saignaient pour que j’ai la meilleure éducation.
Mais après les sacrifices, il restait rien pour chiller. Je m'en plaignais pas. J’constatais, que c’était serré la vie en France, et qu’au pays , on m’a fait comprendre depuis longtemps que seul le chaos nous y attendait.
C’était pas Sarcelles, c’était pas Sartrouville où je retrouvais le reste de ma famille. C’était pas les tours et les cages d’escaliers, c’était la confrontation quotidienne avec le privilège.

J’ai eu ce flash , ce sentiment d’avoir été dépossédée de quelque chose.
Que ma part du gâteau, quelqu’un d’autre le mangeait.
Cette pensée m’a envahie, je sais pas d’où elle est venue. Mais j’étais jalouse.
J’voulais moi aussi, partir chaque été dans ma villa à Kinshasa. Etre bien chez les autres, et en place chez moi, avoir un héritage familial, des maisons et des vieux châteaux.

Etre partout en vacances, partout en confiance.

Oui ce jour-là, j’ai eu un accès de jalousie, j’avais 17 ans.

Le soir, après une journée de cours éreintante, terminale S, option mathématique, où je galérais pour la préparation du bac, j’ai pris le chemin de la maison.
J’étais avec mon petit frère , Gédéon, 10 ans, 4è de la dynastie Akeza.
J’ai toujours été proche de lui, comme une petite mère, j’aimais lui poser des questions sur sa journée. Il n’avait pas peigné ses cheveux, alors je cherchais l’arme fatale pour régulariser sa touffe, quand le « gendarme suprême » allait nous voir débarquer au soir, il fallait qu’il soit dans les rangs.
« Met de la crème Gédeon.
-Pourquoi ? mes potes ne mettent jamais de crème, pourquoi on m’oblige ?
-Parce qu’un noir sans crème , c’est moche, il n’y a que les Sénégalais qui font ça. Tu ne veux pas être gris comme un ouest af j’espère ? »

… Ouais… j’étais conne. Je répétais ce que j’entendais …
 J’lui ai sorti une vieille crème plein de parabène et d’autre pétrole.
Le pauvre gamin… elle était légèrement éclaircissante… avec de l’hydroquinone. C’était l’époque où je ne lisais jamais les notices de ce que je consommais… l’époque où je n’avais pas encore découvert la beauté des sénégalais… l’époque où quelque chose sommeillait en moi, mais que je ne cernais pas.

Sur le chemin de la maison, y’avait Maliya , Khadija, Sarah, Nuna , Petrolla et Blanche. Une partie du  Saïan. C’était le surnom de notre crew. Une rousse, une rebeu, des métisses et des Noires. Les moins riches du lycée. Quoique Nuna et Petrolla étaient pas mal privilégiées. J’avoue, chaque été, elles aussi allaient  à Yaounde.

Suite à la dispute au lycée, elles n’en pouvaient plus, et parlaient encore et encore du fameux « avec les Renoi on est toujours surpris au pieu ».

Elles aussi, elles l’avaient leur villa en Afrique. Elles avaient quelque chose de plus que moi… elles avaient un héritage.

Khadija a voulu nous « aider »
-          «  Nah mais faut dire que vous les Black, vous avez pas de chance. Esclavage et colonisation, les Blancs ils se sentent supérieurs, alors que nous, ils ont un peu de respect. Nah mais crie pas, le prend pas mal, mais nous on a été jusqu’à Poitiers , tu vois on a l’Islam et l’empire Arabe. Vous, vous avez rien fait à part être des victimes…c’est triste ouais, mais voilà quoi…c’est normal après qu’il y ait des gens qui vous…»
 Nouveau missile. Il était explosif celui-là…
Khadija s’est faite ramasser par Petrolla, elles se sont mises à crier… Mais Petrolla répondait par égo et orgueil sans savoir quoi retorquer, puisqu’elle ne savait rien de notre Histoire.
Après ce jour, elles s’évitaient.

J’suis descendue du bus, pour rejoindre mon cœur, mon frère, mon meilleur ami.
Arthur. C’était toujours un intense moment de détente que d’être à ses côtés.
Il avait ses vieilles locks faites sur cheveux fins de caucasiens, j’me disais toujours que les locks c’était pour les blancs hippies et les Noirs sales, je l’appelais « bob marley »
Et lui me gazait toujours en me nommant «  Beyonce».

Les noirs sales portent des locks… tchip … mais qu’est-ce que j’étais …

Arthur, Gedeon et moi, le long de la grande route. Nos maisons étaient séparées par une sorte d’immense champs, et on s’attendait le matin et le soir pour débuter ou finir le chemin.
J’pouvais rester des heures à ses côtés, sans énoncer un mot.
C’était mon havre de paix.

Avant de rentrer à la maison, je suis passée boire un chocolat chez ses parents. Il y avait leur cousin Fabrice, qui revenait de Kinshasa. Il nous a parlé en lingala… j’comprenais pas, j’lui ai dit. Il a ri, il a dit «  vous êtes devenus Blancs et moi plus Noirs que vous »

On est rentré. Sur la route, Gédeon cachait son visage sous une écharpe.
« - Gédeon je t’ai grillé ! pourquoi pleures-tu ? »
Après avoir hésité avant de répondre, il m’a glissé «  Fabrice il parle lingala, et moi je ne sais même pas dire un mot… »

C’est vrai. On est interdit de parler Lingala depuis notre arrivée en Europe.

Ce soir-là, j’étais triste. Je l’avoue. Mon père regardait attentivement les informations. Il attendait la minute Afrique pour avoir des nouvelles … et ne partageait pas ce continent avec nous. Un frein à l’héritage.

Comme chaque soir, j’allais dans ma chambre, et je lisais Emile  Zola , « la bête humaine », j’étais passionnée par la dynastie des Rougond-Macquart. Il y avait plein de Tantes à la maison , plein de femmes Congolaises de l’Eglise. Elles piaillaient comme des cailles. Je les entendais  l’autre bout de la maison.
Mon nom a retenti. J’ai fait semblant de pas entendre, jusqu’à ce que Gédéon toque et me force à descendre. J’devais préparer le fufu pour mon père, mettre la table, le servir…
« oui maman je mets pas le pondu avec le riz, dans des plats différents, c’est bon… »
Une tante s’est exclamée
 « 
-          Vous les enfants d’Europe, vous manquez de respect !
Une autre s’y est mise, puis toutes… Je ne sais même qui parlait, j’avais le dos tourné , concentrée sur ma semoule.
«          - Tu vois que ton père n’a pas mangé et tu ne descends pas pour préparer ?
- Elle lisait surement
- C’est vrai que Christelle lit beaucoup, vous savez elle a 18 de moyenne, c’est une intello , elle ira loin.
- C’est toi aussi qui dessine ? Oui des tableaux et tout.
-Hum l’enfant là finira avec un Blanc ,  elle a toutes les qualités, pourquoi pas avec Arthur ?
- Le sale là ? avec ses machins dans les cheveux ? Nooon ! »

Finir avec un Blanc ? Parce que j’aime lire et que j’étudie régulièrement… Qualité ? Association directe avec mari Blanc ?

J’suis entrée au salon avec les plats chauds en main. J’ai regardé mon père. Il s’est levé dignement, fatigué, mon père si magnifique.
Il me sourit en sentant l’odeur de la bouffe. Me remercia lorsque je le servis, puis alla lui chercher de l’eau et une bière. Il se lava les mains avec la bassine que j’avais mise à ses côtés, et je lui essuya les doigts avec une serviette. Tout ce faisait toujours en silence. Il pensait. Je pensais. Mais à cet instant, je lui glissa :
«          Pourquoi les Blancs ont droit à tous les privilèges ? 
 -          Oh ! Mais ne vois-tu pas que tu as plus de privilèges que de nombreux Blancs qui vivent dans la rue ! Tu as un toit, à manger, une éducation. Non là je ne suis pas d’accord.
-          On est les seuls de la famille à avoir une maison , Papa, tous les autres cousins sont à 4 dans la même chambre.
-          Peut-être suis-je le seul à avoir travailler pour en arriver là !
-          Les Noirs ne travaillent pas ?
-          Très peu se donnent les moyens pour y arriver … la plupart sont des délinquants qui passent leur journée à tenir les murs !
-          Et quoi… nous on n’est pas comme eux ? Nous on se rapproche du Blanc ? c’est ça, consciencieux, travailleur, organisé, ambitieux, pendant que le reste des Noirs est médiocre.
-          Mais qu’est-ce qu’il t’arrive ? Christelle ??? »
Il regarda mes mains. Je tremblais. Tremblais de colère. J’allais pleurer. Les larmes allaient couler. Pas d’écharpe pour me cacher. J’ai quitté le salon.

C’est ce jour-là que ma jalousie m’a envahi, je ne savais pas quoi en faire. Je n’avais personne pour m’en parler avec des mots matures, l’empêcher de devenir haine et frustration, l’empêcher de pourrir mon âme. Personne pour me dire , qu’il ne faut pas en vouloir aux autres, que c’était moi la jalouse, que je devais le comprendre et le gérer.
Personne pour me parler de mon héritage africain, personne pour comprendre que m’amputer de tout un passé ne faisait de moi qu’une frustrée angoissée.

J’étais seule, et jalouse.  Ouais… c’était à peu près là le début.
Avant que je ne quitte la maison pour mes études , et que je sois seule dans ma nouvelle ville, loin de toutes mes Tantes, mes Oncles. Juste mon téléphone, internet et ma tête.


Ouais, c’était le début du changement, avant que je ne découvre seule sur internet un nouveau monde, avant que je n’entame la période «  Kemi Seba » .


 © Le Nouvel Africain