Le titre originel de ce texte était "familles africaines". Il se trouve qu'étant passionné d'histoire et un peu fouineur dans l'âme, je m'intéresse à l'étymologie des mots que j'emploie. (7 ans de latin aide pour cela également). Il se trouve que le mot "famille" vient du latin "famulus" qui se décline en "familia" et désigne la réunion des esclaves de la maison. Cet emploi est resté en l'état pendant très longtemps en Europe même au Moyen Age. D'où le terme de chef de famille ou gouvernement de famille, expression logique du point de vue des romains, car le chef de famille ne peut être qu'un citoyen romain libre.
La restriction du mot "famille" aux liens de parenté est plutôt tardive dans l'histoire européenne. J'ai donc choisi de dire la maison Akan, plutôt que la famille Akan, étant donné que le concept d'esclaves au sens européen du terme ne s'applique pas dans les sociétés africaines.
La société akan utilise le terme de "abasua" pour désigner le groupe auquel un individu est considéré comme appartenant. Il existe également le terme de "fifo" qui désigne plutôt un groupe de personnes qui vivent dans une maison et y travaille. La société akan s'organise autour des femmes et de la lignée maternelle. Ainsi, l'abasua d'une femme est celle de sa mère et celle d'un homme également. Mari et femme n'appartiennent pas à la même abasua.
L'abasua et ses relations sont complexes. C'est la femme la plus ancienne vivante de l'abasua qui a le pouvoir de désigner le successeur (tête de proue) de la famille, homme ou femme, bien que généralement, la responsabilité est confiée à un homme (la règle n'est pas absolue pour autant). Elle a également le pouvoir d'enlever ce titre lorsque la personne se montre indigne de son titre.
A la cour des rois akan, le roi dispose de plusieurs conseillers. Ces derniers lui prodiguent la sagesse, lorsque toutefois, une question n'est pas résolue, chaque conseiller va consulter auprès de son abasua et notamment des ancêtres de la famille. C'est la femme la plus ancienne de la famille qui tient rôle d'interprétatrice de la voix des ancêtres, bien souvent. A noter que l'abasua n'est forte que du lieu ou l'on conserve les "sièges ancestraux".
Les Akan ont une organisation socio-politique remarquable qui a fait leur force et bâti l'empire Akan, du Ghana à la Côte d'Ivoire. Les Abasua en s'étendant se sont complexifiées pour former de véritables structures politico-économiques. Les femmes ne reposent pas sur leur mari pour le soutien financier, puisqu'elles n'appartienent pas en soi à son abasua. A cause de l'interdiction de se marier entre membres de la même lignée, l'homme trouvait systématiquement sa femme dans un village voisin. Il arrivait donc bien souvent que le mari et la femme ne vivent ensemble que par intermittence, chacun contribuant à la nouvelle abasua formée par le commerce et l'échange commercial.
Les femmes de la société Akan sont donc des entrepreneuses et commerçantes de fait. Elles ne dépendent pas de leur mari. C'est aussi ce qui explique le fait que la société Akan permet également une facilité bien plus grande pour les femmes de divorcer d'un mari maltraitant, irrespectueux ou indésirable.
Les femmes dans la société Akan sont indépendantes financièrement et le mari et les enfants dépendent d'elle pour être nourri. Cette dépendance est plus formelle qu'effective. Il s'agit plus d'une répartition sociale des rôles que d'une obligation ou soumission de l'homme. Beaucoup ont interprété cette situation comme une forme de matriarcat. Or ce n'est pas dut tout semblable. Le pouvoir n'est pas détenu par les femmes mais il y a un jeu constant d'équilibre où nul ne dépend complètement de l'autre.
La transmission des biens se fait de l'oncle de la mère vers les fils de la mère en général. L'objectif caché de cette pratique est d'empêcher qu'un enfant ne retrouve un jour privé de biens à cause de la négligence ou la haine du père ou de l'abasua paternelle ou d'une grave désaccord entre les abasua paternelle et maternelle pour une raison quelconque.
En résumé, les femmes de la société Akan jouissent d'un grand pouvoir économique et politique via le système de l'abasua. L'arrivée des missionaires chrétiens suisses au Ghana dans les années 1800 va profondément perturber cette belle situation des femmes et introduire des notions étrangères aux femmes Akan telles que la soumission à leur mari et la dépendance sur le mari pour les besoins financiers. Toutefois, la société Akan perdure encore aujourd'hui et est très vivace dans les pays que sont le Ghana et la Côte d'Ivoire.
J'espère que vous en avez appris autant que moi en lisant le texte comme moi j'ai appris en lisant les sources sur lesquelles je m'appuie. Nous aborderons dans un autre article, le détail des relations économiques dans les sociétés Akan.
© Le Nouvel Africain
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