Bien au-delà du simple fait de société, la "fameuse société collective" ou "hospitalité africaine" que les européens vous ressortent à toutes les sauces dès qu'ils ont fait deux semaines dans un village quelque part en Afrique, c'est un fondement linguistique et culturel qui est en jeu là.
Alors pourquoi ? Cela tient d'abord à la matrilinéarité de la descendance et à la conception élargie de la famille. La famille africaine n'est pas exclusivement nucléaire à quelques exceptions près. Traditionnellement, les soeurs et la mère d'une femme enceinte et les soeurs du mari ainsi que leur mère si elle est vivante, assistent à la naissance de l'enfant. Exemple : Les rites de la naissance chez les Fang peuvent être considérés comme un exemple de cela. Près du village, un cri perçant a retenti : "le bébé vient". Mais Il n’y entre pas comme un animal quelconque, et déjà, les rites qui entourent sa naissance en font un être à part.
Hier, sa jeune mère ressentant les premières douleurs de l’enfantement, les grands-mères ont prévenu le mari qui s’est retiré dans la grande case dont Il ne devra sortir qu’après la délivrance de son épouse.
La mère du mari jete à terre quelques feuilles vertes de bananier. Tout autour, elle dispose les fétiches protecteurs. Autour des feuilles de bananier, la grand-mère a jeté les fleurs amarantes. Elle a coupé la plus belle tige d’amome, et, après l’avoir sectionnée, en a déposé les morceaux près de l’autel, aux pieds de la statue de bois qui surmonte le coffre où sont renfermés les crânes des ancêtres. Elle prend un des morceaux, puis crache sur sa belle-fille, en signe de bénédiction. Près de la femme enceinte, nul homme n’est admis, et surtout pas son mari. L’intrus qui braverait la défense serait gravement en danger, l’enfant serait impitoyablement sacrifié.
L’enfant né, la belle-mère le prend entre ses bras et le lave dans une l’eau aromatisée de menthe et consacrée par le fétiche Mbialebange (littéralement celui qui nait joli), protecteur des naissances. Dans cette eau, son bain est composé d’une variétés de plantes. On met une pièce d’argent (signe de bonheur), une noix de palme pour rester brun) et une feuille d’arbre. Après la sortie du placenta, les hommes tirent un coup de fusil; on maquille la mère avec du kaolin rouge.
Enfin le placenta est enterré dans le sol dans un endroit inconnu par une personne de confiance afin qu'aucun rite de stérilité ne soit exécuté sur la femme qui a donné naissance.
Ainsi, chaque femme qui a assisté à la naissance est considérée comme la mère de l'enfant, car elles l'ont aidé à venir au monde. Par ailleurs, il arrivait souvent qu'une femme puisse faire un enfant et le donner à une amie ou soeur stérile afin d'enlever la "honte" de la stérilité sur cette dernière. Ce système d'adoption créait des liens familiaux supplémentaires. Ainsi, les enfants abandonnés étaient une anomalie et non pas une épidémie comme aujourd'hui. L'urbanisation forcée, l'occidentalisation et la dislocation de la famille ont provoquée des bouleversements forts dans cette structure sociale.
Cette structure persiste toutefois dans les langues africaines jusqu'aujourd'hui. Par exemple : En Soninké, pour parler de la maman et des tantes ou de la co-épouse du père, on dit : Ma pour la mère, Ma-tougounè pour les co-épouse ou tante. En Yoruba, on dit : Iyè pour la mère, Iyè-kan pour la tante maternelle et ainsi on retrouve à chaque fois, alracine qui renvoie à la mère d'abord avant de rajouter un suffixe qui puisse distinguer, il n'est donc pas rare de voir que le suffixe n'est pas prononcé surtout lorsque les liens familiaux sont forts.
sources : http://www.abibitumikasa.com/forums/showthread.php/42473-Free-Vocabulary-List-Family-Members-in-Yoruba
http://www.olny.nl/RWANDA/Societe/A_Kagame_Relations_Familiales.html#21
http://africanhistory-histoireafricaine.com/blog/2013/10/11/la-medecine-de-la-mere-et-lenfant-chez-les-bulu-du-cameroun/
http://www.contreeslointaines.fr/rarissime/les-rites-de-la-naissance-chez-les-fang-1909/
© Le Nouvel Africain
Retrouver le livre de MAKONGA intitulé: la mère en Afrique
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