vendredi 10 octobre 2014

[LA QUESTION DES LANGUES AFRICAINES]



Pourquoi les Africains doivent renoncer à la paresse intellectuelle ?

Comme je le dis souvent, ce qui tue les Africains, c'est l'ignorance, raison pour laquelle j'encourage toujours les personnes à lire et à ne pas rester sur leurs acquis. Confronter ses idées à d'autres, même opposées peut décupler votre capacité de réflexion.

Et sur la question des langues Africaines, c'est exactement pareil. Systématiquement, dès lors qu'on évoque la la question de mettre en place les langues Africaines dans les pays Africains au détriment des langues cloniales, les détracteurs sortent de toutes parts pour décrier sous prétexte que c'est trop dur, trop compliqué à mettre en place. J'appelle cela de la PARESSE INTELLECTUELLE. Je dis que ces personnes sont fainéantes et ne souhaitent pas travailler, trop contentes de s'appuyer sur leurs certitudes. Et bien souvent les personnes qui s'y opposent avec violence sont celles qui ne pratiquent pas les langues africaines elles mêmes.

Je vais donc exposer leurs arguments et les démonter un à un avec des exemples historiques tirés de l'histoire sur différents continents en Afrique ou ailleurs pour démontrer à quel point ces arguments sont non valables et le fruit de la paresse de ces personnes qui revendiquent pourtant le fait de faire partie de l'élite africaine.





1. Les langues Africaines n'ont pas d'écriture.

Cet argument est faux, bien que très répandu dans un grand nombre de sphères intellectuelles Africaines. Ce sont des arguments fallacieux :
Trois exemples d'écritures Africaines authentiques sans influence européenne ou arabe suffisent à démonter ces éléments.
Le Shomum ou écriture Bamoun qui correspond à la langue Bamoun développée, pratiquée et enseignée à l'Ouest du Cameroun. Il existe plus de 7000 manuscrits en écriture Shomum. A la fin du 19ème siècle, le Sultan Bamoun Njoya a développé un système d'éducation des élites Bamoun entièrement en Shomum avec écriture, texte, histoire et science à l'appui. Il existe également un texte du même Sultan qui traite de la question de la sexualité et des pratiques sexuelles visant à satisfaire la sexualité des femmes. Avis aux amateurs. L'alphabet Shomum comprends 70 caractères dans sa forme épurée aujourd'hui, la version initiale en comportait 437 signes, elle a été révisée au cours du temps jusqu'à sa forme actuelle.

L'écriture Geez également existe depuis plusieurs siècles au moins. Elle prédomine en Ethiopie et la langue éthiopienne est aussi écrite dans cet alphabet. La langue Amharique ou langue ethiopienne est écrite dans ce système d'écriture. Contrairement aux différentes propagandes propagées dans les cercles intellectuels d'archéologues occidentaux et repris souvent par des Africains, l'écriture Geez ne vient pas de l'Arabe et n'a strictement rien à voir avec l'Arabe. Certaines interprétations racistes tendent à attribuer une origine non africaine tout ce qui est beau ou sophistiqué en Afrique. L'alphabet Geez est utilisé aujourd'hui et écrit par les petits écoliers éthiopiens, sans problème.

L'écriture méroitique existe également. J'ai choisi de parler de celle ci parce qu'elle a quasiment inconnue de tous, même des Africains. Elle n'a même pas encore pu être déchiffrée par les archéologues européens eux mêmes, qui étudient la Vallée du Nil. Encore une fois, ils ont tenté de dire qu'elle avait pour origine l'Egyptien Ancien et n'était qu'une vulgaire copie déformée, mais cet argument est en train de s'effondrer petit à petit depuis que l'on se rend à l'évidence que les plus anciens populations de la Vallée du Nil venaient du Sud du Nil et non hors d'Afrique comme on l'a souvent prétendu pour attribuer à l'Egypte Antique, une origine non négro-africaine.

Voilà donc trois exemples qui démontent la thèse de l'inexistence d'écritures africaines de manière catégorique et aucun de ces alphabets n'a une origine extra africaine. Pour plus d'informations sur d'autres alphabets Africains tel que l'alphabet Mandé etc..., voir ce lien par exemple : http://classes.bnf.fr/dossiecr/sp-afri1.htm

Pour les pays ou on aurait perdu les traces des écritures africaines indigènes, il est possible de créer un alphabet tout simplement. Ah bon ? Et comment on fait ? Bah on travaille tout simplement. Certains chercheurs Africains l'ont déjà fait. Un chercheur Africain a conçu un système d'écriture pour le Congo et les langues du Congo. Il l'a appelé Mandombe. A vous de découvrir.

2. Le problème du tribalisme va se poser si on choisit une langue par rapport à une autre.

Au Kenya, la langue swahili a été définie comme la langue globale de tous les peuples vivant au Kanya, et pourtant le Kenya est riche de plusieurs peuples, dont les Luo qui ont une langue spécifique. Ca ne pose pour autant pas de problème particulier en ce qui concerne l'identité des Kenyans. Ceux qui utilisent cet argument parle Français ou Anglais, la plupart du temps. Le Français tel qu'on le parle aujourd'hui date seulement de la fin du 19ème siècle. La langue française est une langue d'un peuple qui envahit le Nord de la France, les Francs. Pendant plus de 1500 ans, le français cohabite avec d'autres dialectes tels que la langue d'Oc, la Langue d'Oil, le Breton, le Basque. Ca ne fait que 200 ans que le français tel qu'on le connait existe et seulement un siècle que la langue française est parlée par tous les Français. 100 ans c'est une génération ou deux. Au Kenya, la mise en place du Swahili n'a pris que 50 ans.

Je crois en vérité que les opposants à la mise en place des langues Africaines sont dans une situation de peur. Peur pourquoi ? Peur parce que dès lors qu'un pays Africain notamment de l'Afrique de l'Ouest mettra en place une langue Africaine, de facto ils se retrouvent dans une situation de risque pour leur statut d'élites. 


Le manuscrit ci dessous se trouve au Musée de L'Homme à Paris, dans les réserves du département Afrique. Si vous souhaitez vérifier la référence, la voici : Bibliothèques nationales de France. http://classes.bnf.fr/dossiecr/gc84-3.htm

Manuscrit bamoun
Cameroun.
H. 29 cm ; l. 21 cm.
Don de la mission Labouret, 1934.
Paris, Musée de l'Homme, réserves du département d'Afrique, M.H. 34.171.1375.




3. Utiliser une langue Africaine va fermer les pays d'Afrique qui adopte ce principe

Je ne vais pas prendre le temps de démonter cet argument tellement je le trouve ridicule. Les Chinois parlent chinois, ce qui ne les empêche pas de parler Anglais, les Japonais aussi, les Allemands aussi, les Indiens pareltn l'hindi ce qui ne les empêche pas de parler l'anglais et d'être à la pointe des NTIC notamment en terme d'informatique. Argument qui s'auto détruit de lui même en regardant le monde réel tout simplement.

Aucun peuple au monde n'a rayonné sans d'abord mettre en place sa spécificité. Les gens veulent une Afrique puissante sans le travail qui va avec. La Chine a mis en place une grande simplification de l'apprentissage du Mandarin durant sa période communiste. Contrairement aux clichés sur les Chinois, tous les Chinois ne parlent pas le même Chinois. C'est le Chinois standard de Pékin qui été officialisé comme langue nationale en 1956. Il a fallu un travail d'éducation culturelle, philosophique qui a accompagné le développement de la Chine. Ce n'est pas une génération spontanée.Je crois donc que les Africains doivent renoncer à la paresse intellectuelle.


© Le Nouvel Africain

Photo : Manuscrit de la langue Bamoun en écriture Shomum

Sources : http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_langue_anglaise
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mandarin_standard
http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HIST_FR_s7_Lumieres.htm
http://classes.bnf.fr/dossiecr/sp-afri1.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Écriture_bamoun

1 commentaire:

  1. C'est une écriture très spéciale qui pourrait à tous les peuples africains!

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