[POURQUOI LES HOMMES DEVRAIENT AIMER LES FEMMES]

D'abord, je fixe le contexte. Je parle bien évidemment du seul cas que je connais, l'Afrique et les couples africains. Je ne gère pas le reste, ça ne me regarde pas. Les cultures africaines altérées par les siècles de domination coloniale et fortement influencées par la mondialisation se sont fortement transformées. Et tout cela est perceptible également dans le rapport aux femmes.

La mysoginie s'est développée comme une valeur pour beaucoup de membres des sociétés africaines. Chrétiens comme musulmans, et même parmi les traditionnalistes, la mysoginie est répandue. J'entends par mysoginie le mépris des femmes. Bien évidemment, je ne généralise pas, je dis juste que c'est très courant, à mon avis, trop et surtout pas assez remis en question.

Je crois pour ma part qu'il faut une certaine honnêteté face à la question et ne pas l'évacuer comme secondaire. Alors pourquoi les hommes africains devraient aimer les femmes africaines ? Non, je ne veux pas servir le laïus habituel, les femmes sont l'avenir de l'homme etc... Ca sonne creux à mes oreilles. Je parle plutôt de choses pragmatiques.

1) Une société équilibrée et solide ne peut pas reposer sur les hommes uniquement.

Pour véhiculer les valeurs d'une société, il faut que les deux tandems du couple soient fonctionnels. Sinon on risque l'effondrement. C'est ce qui se produit dans un grand nombre de pays déjà. C'est simple. Le taux de divorce dans les couples africains est en train de monter graduellement, et contrairement à ce que l'on imagine, je ne crois pas que ce soit lié au fait que les femmes travaillent. C'est souvent l'explication qui est donnée et c'est faux. Nos grands-mères allaient au champ puis faisaient le marché, c'est elle qui avaient l'argent de la maison en main. Donc elles ont travaillé bien avant les femmes européennes. Par conséquent, l'explication selon moi n'est pas là. 

Je pense que c'est lié surtout à l'avancement de la période du mariage. Nos grands-parents et parents se sont pour la plupart mariés plus tôt que nous, car la maturité était beaucoup plus rapide. Or aujourd'hui, ce n'est plus le cas, pour les Africains urbains notamment. La maturité était souvent à 15, 16 ans, elle a aujourd'hui considérablement reculé, pour passer à 30 ans. La responsabilité n'est donc plus au RDV.

Avec les évolutions liées à l'urbanisation dans les villes, où c'est l'école coloniale qui a dominé dans un premier temps puis l'école républicaine après les indépendances, un déséquilibre s'est produit entre les hommes et les femmes africains. Résultat, les femmes ont perdu beaucoup de leurs possibilités d'accès à la stabilité financière.

C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut que les hommes africains lâchent du lest, et rééquilibrent les choses. Cela signifie donc que combattre la mysoginie est une affaire d'homme à la base. Ce sont les hommes qui doivent mener cette transformation. Si les hommes africains ne le font pas, nous risquons de nous retrouver avec une forte opposition sociétale voire une fracture sociale hommes-femmes au sein de nos sociétés et tout cela va conduire à un désastre.

2) Je crois qu'il faut également parler de ce problème dans la mesure où sans, l'appui des femmes, la reconstruction sociale ne sera pas possible. Hommes commes femmes participent à la vie de la nation, et si nous ne voulons pas d'une société mysogine, il faut associer les concernés dans le processus. Surtout, des questions fondamentales sont au coeur du problème :

- La question du droit des femmes

- Les questions liées aux violences faites aux femmes.

Si les hommes ne voient pas l'importance de porter ce débat, on court à la catastrophe. Lorsque je vois des jeunes africains réciter les insultes mysogines de clip de rap, sans vraiment comprendre la portée tout en intégrant les valeurs, je dis que c'est un danger grave qui nous guette. On me dira ce n'est pas parce que je chante Booba, que je hais les femmes.... Je réponds à cela, dis moi ce que tu écoutes, je te dirais comment tu vas te comporter. Comme a dit un homme sage, la foi vient de ce qu'on entends, ce que vous écoutez, c'est ce à quoi vous adhérez. Notez bien j'ai utilisé le verbe écouter, pas entendre. Ecouter c'est prêter l'oreille, être attentif. Donc inconsciemment, vous nourrissez votre esprit de ces choses et cela a des conséquences, qu'on le veuille ou pas. 

Et puis, après tout, si les femmes sont heureuses, nous aussi, alors pourquoi ne pas s'attacher à y travailler ?

© Le Nouvel Africain